Pour « L’Histoire de Souleymane », Boris Lojkine ne voulait pas « d’un film politiquement correct »

Ce n’est pas tous les jours qu’un film sur un livreur sans papiers, dont l’acteur principal n’est pas connu, sort sur plus d’une centaine de copies. Mais , troisième long-métrage de Boris Lojkine, distribué par Pyramide, est un peu à part : cette fiction s’apparente à un thriller, en immersion dans l’univers des coursiers à vélo, dont on ignore à peu près tout.

Le réalisateur, agrégé de philosophie, né en 1969, embarque le spectateur au plus près de Souleymane (Abou Sangare), livreur guinéen, au profil complexe. Tout en enchaînant les courses, le jeune homme prépare fébrilement son entretien pour sa demande d’asile : Souleymane essaie de retenir le récit qu’on lui a fabriqué, pour entrer dans les cases de l’administration, mais qui n’est pas le sien. Il redoute le faux pas, en a des sueurs froides… Le film a reçu le Prix du jury à Un certain regard, à Cannes, et a valu celui du meilleur acteur à Abou Sangare, mécanicien de profession, bluffant de précision et d’émotion.

Dans le café d’une gare parisienne, entre deux avant-premières, Boris Lojkine explique ce choix, délicat, d’un personnage de migrant qui ment pour obtenir ses papiers. ,explique le réalisateur.

« Un grand traumatisé »

A Cannes, le parcours d’Abou Sangare a ému les festivaliers. Né en 2001, dans le sud-est de la Guinée, il vit à Amiens depuis six ans. Il a quitté son pays pour aider sa mère, malade, laquelle est décédée après son arrivée en France. Il s’est inscrit dans un bac pro mécanicien poids lourds, a essuyé plusieurs refus de titre de séjour. , souligne le cinéaste. , dit le réalisateur, dans une allusion à la déclaration de Bruno Retailleau – . Il ajoute, devant son café allongé :

Boris Lojkine, jean, polaire et sac à dos, est devenu cinéaste après avoir quitté l’éducation nationale. Il ne se voyait pas passer sa vie en bibliothèque comme ses parents, tous deux universitaires, une mère professeure de littérature anglaise, un père sociologue au CNRS.

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