Le défilé Dolce & Gabbana intitulé « (« haute couture ») mériterait une place dans le Guinness des records pour son arrogance culturelle et spirituelle – une arrogance typique de la mode qui, comme le disait le poète Stéphane Mallarmé (1842-1898), se prend elle-même pour . Le 15 juillet, ce lieu singulier de Rome qu’est le pont Saint-Ange a en effet accueilli un défilé caricaturant les vêtements ecclésiastiques.
Les premiers à défiler étaient des mannequins vêtus d’habits grimant ceux des cardinaux, même si le rouge y était légèrement différent de celui de la couleur canonique. Certains, sur les réseaux sociaux, n’ont d’ailleurs pas manqué de qualifier le défilé de « conclave de Rome ». De fait, après la procession d’entrée, les dizaines de cardinaux « créés » pour l’occasionont stationné, quasiment en prière, à côté des anges surmontant les piliers du pont, comme pour contempler le défilé. S’en est suivi un défilé de silhouettes revêtues de créations plus ostentatoires les unes que les autres.
Le défilé de mode, qui n’est pas sans rappeler les processions religieuses, constitue, selon moi, le vestige séculier d’une religion ayant perdu son impact rituel dans des nations laïques. En s’inspirant des signes chrétiens et des habits ecclésiastiques, la prestation de Dolce & Gabbana confirme non seulement cette thèse, mais elle rapproche encore davantage la mode de la religion. Sur la passerelle des anges, des croix ornaient des corsets rappelant l’habit de lumière des toreros, mêlant machisme et caricature banalisant le symbole des disciples du Christ ; d’autres croix ornaient de magnifiques pardessus évoquant les chapes utilisées pour l’adoration de l’eucharistie.
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