Révisons un peu notre italien : Ce qui donne peu ou prou, en français : » Ainsi vont les paroles de , de Lucio Corsi. Elles résument, avec poésie, tout l’enjeu du 69ᵉ concours de l’Eurovision, dont la finale se tient samedi 17 mai à Bâle, en Suisse. Longtemps considéré comme un aimable divertissement, le télé-crochet est rattrapé par les lois de la gravité.
Car, sous les couches de kitsch qui ont toujours recouvert l’Eurovision, apparaissent de plus en plus nettement les déchirures politiques de l’Occident. En témoigne l’émoi qui entoure, cette année, la candidate israélienne, Yuval Raphael. Le 7 octobre 2023, la jeune femme était parmi le public du Festival Nova, près du kibboutz de Réïm : pour échapper aux terroristes du Hamas, elle s’est dissimulée, des heures durant, sous des cadavres. Cela n’a pas empêché un spectateur de simuler un geste d’égorgement à son encontre, lors du défilé marquant l’ouverture de l’Eurovision, le 11 mai, dans les rues de Bâle, selon le média israélien . Cela n’a pas non plus dissuadé 72 anciens participants du télé-crochet d’appeler au boycott de Yuval Raphael, pour protester contre les crimes commis par son pays dans la bande de Gaza. En vain : d’après les bookmakers, son morceau, (« Un nouveau jour se lèvera »), figure parmi les favoris pour la victoire finale.
Autre guerre, autre refrain : le groupe ukrainien Ziferblat propose , dont le titre joue de l’homonymie, en anglais, entre proie () et prière (). Le trio a emprunté son nom, Ziferblat, à celui d’un café de Kiev où il a donné son premier concert, en 2015. Que la maison mère de cette chaîne de restauration soit basée en Russie sera lu comme un signe d’espérance, par les uns, comme une provocation, par les autres. C’est en Russie, du reste, qu’a grandi le candidat arménien, Parg. A mots à peine voilés, sa chanson, (Survivant) ravive d’autres plaies – celle du génocide perpétré contre les Arméniens dans l’Empire ottoman, entre 1915 et 1923.
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