« Le succès de la Fête de la musique a lancé un débat biaisé entre un Paris vivant et progressiste et une ville embaumée et réac »

Il s’est passé quelque chose d’inédit lors de la Fête de la musique, le 21 juin, à Paris, et dans d’autres villes aussi. On n’a jamais vu autant de monde dans les rues. Jamais entendu autant de gros son. Le public dansait, mi-acteur mi-consommateur, dans une bulle hédoniste propre à lui faire oublier les tourments du dehors. Un autre rapport à la culture se dessine dans l’espace public, une autre façon de faire vivre ce dernier. Les réactions ici et là montrent que deux visions de la ville s’affrontent rudement avec la musique comme facteur de zizanie.

En 1982, quand le ministre de la culture, Jack Lang, cherche à donner une couleur festive au socialisme d’Etat, l’idée est de célébrer l’été en descendant dans la rue avec son instrument ou sa voix. Pour que les choses soient claires, une affiche est collée sur les murs : . Edgar Morin parle de . Maurice Fleuret, vibrant conseiller de Jack Lang, a cette formule : On se dit que les jeunes défavorisés vont être si grisés par la fiesta qu’ils pousseront la porte d’un conservatoire.

Les années passant, la fête se professionnalise, des podiums sont construits pour accueillir de gros concerts, la foule devient plus spectateur et moins acteur. Les radios et les télévisions s’en mêlent, on dit qu’un esprit se perd à mesure que guitares et violons sont mis en sourdine et que les décibels montent.

Ce qu’on a vu cette année à Paris, Lyon, Lille ou Toulouse, c’est encore autre chose, la prise de pouvoir totale et complice entre les bars, imposant la bière, et une jeunesse érigeant les musiques électroniques en son global des villes, afin de danser dans un club à ciel ouvert. Ce n’est pas nouveau, juste paroxystique. Ces rave-parties d’un soir sont gratuites, donc irrésistibles quand le revenu est modeste. Elles soignent la tête en faisant communauté.

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