Le participe passé en une du « Monde », ou la bataille de la simplification du français

« L’homme s’est vu accusé », ou « L’homme s’est vu accusER ? » «  que j’ai entendu chanter », ou « La Marseillaise que j’ai entenduE chanter ? » Ah, les délices du participe passé à la française ! Ces quatre phrases sont correctes. Si les deux premières, selon le contexte, peuvent être synonymes (l’homme est accusé), les deux suivantes ont des sens différents : dans un cas, on a entonné l’hymne national, dans l’autre, une native de la cité phocéenne a poussé la chansonnette. Eh oui : suivi d’un infinitif, le participe passé des verbes de perception (vu, entendu…) s’accorde uniquement si le COD placé avant fait l’action du verbe à l’infinitif qui suit (chanter, ici).

D’aucuns militent pour la simplification de la grammaire et de l’orthographe du français. Pour le collectif des Linguistes atterré·e·s, auteur de (Gallimard, 2023), la complexité de notre orthographe constitue un critère de sélection injuste, renforçant les avantages des catégories socioculturelles favorisées. Ce serait également une perte de temps pour l’éducation nationale, qui consacre quatre-vingts heures de la scolarité de chaque enfant à l’enseignement du seul participe passé, avec le résultat que l’on sait : son accord reste la bête noire des Français. Y compris de ceux qui y sont le plus attachés : avouons qu’il arrive que deux ou trois correcteurs du se grattent la tête de concert pour déterminer laquelle des règles qui régissent le participe s’applique dans un cas déterminé. Parfois, nous décidons même de modifier une phrase afin d’éviter un pugilat à coups de Bescherelle. Sans compter que le bouclage du journal est à 10 h 30, et qu’il n’attend pas.

« Correction courtoise »

Les Linguistes atterré·e·s réclament une simplification de l’accord du participe passé, qui resterait invariable lorsqu’il est conjugué avec « avoir », « la pomme que j’ai mangée » devenant « la pomme que j’ai mangé » ; « la lettre que j’ai écrite » devenant celle « que j’ai écrit » – les deux versions, avec et sans accord, restant admissibles.

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