Le 25e sommet entre la Chine et l’Union européenne (UE), jeudi 24 juillet, à Pékin, a viré au dialogue de sourds. Même sur la lutte contre le réchauffement climatique, thème sur lequel Chinois et Européens sont censés se démarquer à l’heure où les Etats-Unis ont abandonné toute ambition, il aura fallu batailler pour parvenir à un communiqué commun. Sur tous les autres sujets, les divergences sont apparues, béantes, au terme d’une seule journée, contre deux envisagées initialement.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil, Antonio Costa, avaient dû se résoudre à se rendre dans la capitale chinoise car le chef de l’Etat-parti, Xi Jinping, avait fait savoir qu’il ne se rendrait pas en Europe. En contraste, il trouve chaque année le temps d’aller à Moscou célébrer son amitié avec Vladimir Poutine. Il y était encore en mai et recevra le président russe fin août, quatre jours durant, pour solenniser une nouvelle fois ce que M. Xi qualifie de , un recalibrage de l’ordre mondial à la défaveur de l’Occident.
Les Etats-Unis ont commencé à être obsédés par la menace que représente l’ascension chinoise bien plus tôt que les Européens, car le projet de Pékin est plus explicitement une remise en cause de leur hégémonie. L’Europe, elle, constructeurs automobiles allemands en tête, voyait toute la promesse que représente le marché chinois, tandis que le sujet sécuritaire lui paraissait éloigné, abstrait. Il a fallu que les Européens soient touchés très directement pour s’éveiller à ce risque.
Nouveau monde
Ils le sont aujourd’hui simultanément sur deux fronts. En Ukraine, d’abord, la Russie ne peut poursuivre sa guerre depuis trois années que parce que la Chine la finance par ses achats d’hydrocarbures et lui fournit les pièces et machines pour assembler les drones qui, chaque jour, attaquent la population ukrainienne.
Sur le commerce, ensuite, l’Union européenne voit le déséquilibre de sa relation avec la Chine s’approfondir sans avoir la clé de sortie de cette spirale. En une décennie, le déficit commercial de l’Union européenne avec la Chine a doublé, pour dépasser 300 milliards d’euros par an. Bruxelles a raison de dénoncer la masse des subventions publiques qui ont rendu la concurrence chinoise souvent déloyale, créant un risque aggravé pour l’emploi et l’industrie en Europe, et de prendre les mesures de protection que la Chine, elle, n’a jamais abandonnées.
Mais Mme von der Leyen aura aussi pu constater, depuis la fenêtre de la limousine de marque Hongqi (« drapeau rouge ») dans laquelle le protocole chinois l’a conduite, à quel point un nouveau monde a émergé en Chine. De nouvelles voitures, majoritairement électriques ou hybrides, de nouvelles marques, un savoir-faire désormais inégalé : dans la course à qui développera les meilleures batteries, seuls deux acteurs chinois se distinguent, le premier fournisseur mondial, CATL, qui livre aussi bien Stellantis que Renault, Tesla et Rolls-Royce, et la première marque électrique mondiale, BYD. Les Européens sont spectateurs. La Chine considère que l’Europe ne peut s’en prendre qu’à elle-même.
Sur ce sujet comme sur le front ukrainien, Mme von der Leyen a au moins posé ce diagnostic, les relations sino-européennes sont à un , mais rien ne laisse penser que l’UE a le début d’un commencement de remède sur ces problèmes fondamentaux.
Le Monde
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