En Ukraine, « les militaires reprochent aux civils leur indifférence, mais, en réalité, la société reste mobilisée »

Ioulia Shukan, sociologue et directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, a mené pendant neuf ans une enquête ethnographique sur les bénévoles venus apporter leur aide, dès le début de la guerre dans le Donbass, en 2014, au centre hospitalier de Kharkiv, l’un des principaux établissements de prise en charge des soldats blessés.

Ce travail, restitué dans l’ouvrage (Editions de la Maison des sciences de l’homme, juin 2025, 248 pages, 27 euros), met au jour les ressorts de l’engagement des millions de civils qui, en contribuant bénévolement à l’effort de guerre, constituent aujourd’hui encore l’un des piliers de la résistance à l’agression russe.

On parle de division croissante entre les soldats au front et les civils à l’arrière. Le constatez-vous ?

Cette perception est assez classique. Elle est liée à une rupture d’expérience entre les civils – même s’ils subissent des bombardements – et les soldats, dont les conditions de vie dans les tranchées, extrêmement dures, créent une déconnexion avec la vie à l’arrière. Les militaires reprochent aux civils leur indifférence, mais, en réalité, la société reste mobilisée. Les gens peuvent aller au café ou au cinéma, tout en étant engagés dans une forme d’assistance à l’armée, à travers le bénévolat ou des dons.

Il vous reste 78.51% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.