Ecologie : un air de cohabitation inédit

Quatre jours durant, Emmanuel Macron a tenté de redorer son blason écologique en déployant une contre-offensive en règle sur le terrain diplomatique, médiatique et politique. Fortement impliqué dans la Conférence des Nations unies sur l’océan que la France présidait à Nice avec le Costa Rica, le président de la République en a vigoureusement assuré le service après-vente, mardi 10 juin, lors d’une émission télévisée sur France 2. Samedi 7 juin, au cours d’un entretien avec la presse quotidienne régionale, il avait publiquement tancé le gouvernement et le Parlement, fustigeant l’commise par ceux qui veulent remettre en causealors que des pans entiers des dispositifs de la transition écologique sont aujourd’hui attaqués.

Depuis la nomination de François Bayrou à Matignon, jamais le ton présidentiel n’était monté aussi haut. Un air de cohabitation, à la hauteur du risque encouru par Emmanuel Macron de voir son ambition initiale ramenée à peu de choses. Au milieu des multiples difficultés qu’il avait rencontrées à la fin de son quinquennat, son prédécesseur, François Hollande, avait, au moins, pu se prévaloir, en 2015, du succès de la COP21.

Par contraste, ce à quoi on assiste aujourd’hui est un dépeçage de la loi Climat et résilience de 2021, avec la remiseen cause du zéro artificialisation nette, la suppression des zones à faibles émissions, l’assouplissement des normes environnementales. De même, la réintroduction temporaire d’un néonicotinoïde banni depuis 2020 et l’annonce, début juin, de la suspension provisoire de MaPrimeRénov’, sous le prétexte qu’elle aurait attiré trop de fraudeurs, ont achevé d’accréditer l’idée d’un grand retour en arrière.

Eviter la perte de temps criminelle

L’opiniâtreté du président de la République à défendre depuis quelques jours un chemin à rebours du climatoscepticisme de l’extrême droite et en rupture avec la décroissance qui fait florès chez certains à gauche est indéniable. Ni les accusations de n’en faire jamais assez, ni la puissante réaction populaire à la tentative d’instituer une taxe carbone au début de son premier quinquennat, ni les vicissitudes actuelles ne semblent l’avoir découragé d’avancer sur la voie d’une dont il a défendu, en septembre 2023, les principes : nourrie par la science, compatible avec la croissance, innovante, compétitive, capable de renforcer la souveraineté énergétique du pays et ne laissant personne sans solution.

Le sentiment d’échec n’en est pas moins réel, car la promesse induite par la planification écologique de programmer, dans la durée et en minimisant les à-coups sociaux, un véritable changement des modes de vie n’a pas été tenue. Retournement budgétaire, perte de la majorité absolue, poussée de l’extrême droite en France comme en Europe sur fond de révolte agricole et de contestation des normes ont eu raison de l’ambition affichée à l’aube du second quinquennat.

Le coup de colère présidentiel n’est pas seulement une tentative de sauver le bilan, deux ans avant la fin du mandat. Il vaut aussi avertissement pour la suite. Les nombreux prétendants à la succession qui, à droite et chez les macronistes, détricotent ou laissent faire doivent se ressaisir car les menaces sur l’alimentation, la santé, la biodiversité, l’eau, le changement climatique s’accélèrent et se conjuguent. A supposer qu’ils se réveillent, le principal défi ne sera pas de proclamer une volonté, mais de dégager un consensus autour d’une méthode pour éviter les retours en arrière et la perte criminelle de temps. C’est, à ce stade, un vœu pieux, tant le paysage politique apparaît clivé et prisonnier du court-termisme.

Le Monde

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