« Contrairement à ce que soutient Eric Zemmour, Vichy a aussi ciblé les Français juifs »

Le 2 avril, dans un rebondissement spectaculaire, la cour d’appel de Paris a finalement condamné Eric Zemmour à 10 000 euros d’amende pour « contestation de crime contre l’humanité ». Motif : avoir soutenu, le 21 octobre 2019, sur un plateau télévisé, que Pétain avait sous l’Occupation. Rappelons les chiffres de la déportation en France : sur une population de près de 300 000 individus en France métropolitaine à la veille de la seconde guerre mondiale, 74 150 furent déportés sous l’Occupation – parmi eux, un tiers de Français.

Ce qui frappe d’emblée, c’est l’impuissance de cet arrêt à clore un débat engagé depuis plusieurs années devant les tribunaux : relaxé en première instance en 2021 puis en appel en 2022, Eric Zemmour a fait face en 2023 à l’annulation de sa relaxe par la Cour de cassation, qui a ordonné contre lui ce nouveau procès. L’affaire connaîtra un nouveau développement puisque, dès le 2 avril, il annonçait se pourvoir en cassation contre sa condamnation.

Si la longueur de la procédure n’a rien d’exceptionnel – le pourvoi constitue un recours normal à disposition des justiciables –, elle se révèle intéressante en ce qu’elle renvoie à un malaise persistant dans la société française face à cette question d’histoire. En effet, en dépit du sérieux des démonstrations faites depuis 2022 par les historiens les plus compétents – Laurent Joly en tête, avec son livre (Flammarion, 2023) – pour démonter énergiquement la tentative de réhabilitation par Eric Zemmour de la thèse du , l’opinion publique semble encore figée dans un rôle de spectateur face à un débat réservé aux experts.

Ces derniers pointent, quant à eux, la responsabilité de Vichy avant tout sur le plan des rafles antijuives, ces arrestations de masse qui en sont peu à peu venues à symboliser la Shoah en France. Et, de ce point de vue, on est parfois encore surpris aujourd’hui d’apprendre que les juifs ne formèrent pas un groupe homogène aux yeux des persécuteurs. En effet, si les Allemands voulaient arrêter tous les juifs présents sur le sol français sans distinction de nationalité, les autorités françaises à la manœuvre firent une différence et n’acceptèrent jamais de rafler les nationaux à Paris (hormis les 4 100 enfants du Vél’d’Hiv, nés en France de parents étrangers). Quelque 30 000 juifs vivaient encore dans la capitale en juin 1944.

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