A Lille, aux procès de passeurs, le récit d’une organisation structurée qui a mené à un naufrage fatal dans la Manche

Dans le langage codé des passeurs, on appelle ça un. Un passage en embarcation de fortune pour rejoindre les côtes anglaises. C’est pour ce de la nuit du 13 au 14 décembre 2022 que neuf hommes ont été jugés toute cette semaine au tribunal de Lille. La traversée a fini en naufrage et a fait quatre morts – un seul a pu être identifié – et quatre disparus.

Grâce à la minutieuse enquête menée par la juridiction interrégionale spécialisée de Lille, qui a épluché les téléphones portables de la petite quarantaine de rescapés de ce naufrage, remontant ainsi jusqu’aux accusés – sept Afghans, un Irakien et un Syrien –, c’est une organisation structurée qui se dessine avec, en arrière-plan, les campements de migrants du littoral nordiste. Un modèle bien rodé.

C’est autour de Calais (Pas-de-Calais) et Dunkerque (Nord), entre les abris de fortune des campements sauvages, que les rabatteurs trouvent les candidats au passage. Parfois, ils sont convoyés de plus loin, notamment depuis la région parisienne, débarqués sur des aires d’autoroute dans l’arrière-pays. D’autres transporteurs prennent le relais pour les amener sur les lieux de départ. D’autres personnes apportent les embarcations et les gilets de sauvetage, quand il y en a. Des voitures sécurisent la voie aux camionnettes transportant bateaux pneumatiques ou migrants. Rien n’est gratuit, tout se monnaye à prix fort.

Absence des têtes de réseau

Parmi les prévenus, deux Afghans sont présentés comme des , chargés de récupérer l’argent déposé par les familles dans les pays d’origine, et qui transite, hors tout système bancaire conventionnel, jusqu’aux passeurs en chef, payés une fois les migrants arrivés à bon port. Interrogés sur leurs rôles respectifs, plusieurs ont assuré avoir agi sous la contrainte, dans le climat de violence qui règne au sein des campements.

Sur le banc des accusés, contre qui des peines de six à huit ans de prison ont été requises, tous les rôles sont représentés. Il ne manque que les têtes du réseau, notamment un Afghan incarcéré en Belgique dans une affaire d’exploitation sexuelle de mineurs. Il n’a pas été extrait de sa cellule et sera donc jugé en janvier 2026. Un autre, en fuite, a quitté précipitamment la France le lendemain du naufrage. Il serait actuellement en Serbie.

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