Philippe Claudel : « Mon cher Boualem, enfin tu t’apprêtes à sortir de ta mort littéraire, enfin tu es en salle de réveil »

Lorsque la nouvelle de ton imminente libération m’est parvenue, je marchais en montagne, sur un alpage ourlé de mélèzes. Il faisait doux pour un mois de novembre, même si les premiers gels avaient roussi les herbes. Je pensais à toi.

Cela n’était pas extraordinaire puisque, depuis le 16 novembre 2024, il n’y a pas eu une seule journée sans que je n’aie pensé à toi. Seul. Dans ta cellule. Dans ton pays de naissance qui était devenu ta cellule.

Je marchais dans ce matin lumineux, près des mélèzes aux teintes d’or, dans l’imposante compagnie des sommets couverts de leur première neige, avec à mes côtés mon chien qui allait et venait, heureux, toujours heureux, truffe dans le vent.

J’allais ainsi dans la beauté du monde et je pensais à toi, privé de cette beauté, privé de mouvements, privé d’espace, privé de paroles, privé de mots, survivant depuis des mois dans une élongation du temps, car le temps d’un prisonnier n’est pas le temps d’un homme libre.

Il vous reste 85.1% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.