Populisme : « Une montée inédite des périls, associée à un abaissement non moins inouï du discours public, se produit en Asie et en Occident »

L’histoire n’est pas seule à se répéter. C’est malheureusement aussi le cas du commentaire, le plus souvent pour se précipiter dans les mêmes impasses.

A chaque fois que des mouvements d’extrême droite triomphent aux élections, les analystes ont tendance à se focaliser sur des causes purement locales. Ainsi, lors des récentes élections sénatoriales au Japon, où a émergé une formation complotiste dont le nom même (, littéralement « parti faites-le vous-même ») renvoie aux populismes occidentaux. Il a de fait été question pour l’expliquer du vieillissement de la population, du protectionnisme américain, voire du prix du riz.

Toutes ces explications sont profondément insatisfaisantes. Il faut rappeler que le même parti gouverne au Japon sans discontinuer depuis la seconde guerre mondiale, à deux exceptions près, toutes deux extrêmement brèves et sans grande portée, car immédiatement résorbées. Ce n’est pas ce qui se donne à voir aujourd’hui. Non seulement le revers du parti au pouvoir est sans précédent, mais il ne profite en rien au centre-gauche comme naguère. Un concurrent xénophobe a surgi pour ainsi dire de nulle part pour capter la colère populaire.

C’est d’autant plus étonnant que le Japon se singularise, au sein des pays riches, par sa faible immigration. Même si l’on compare à la Corée du Sud voisine, la proportion varie quasi du simple au double (2,5 % contre 4 %). Les étrangers ne se font que très rarement remarquer sur l’Archipel. L’insécurité y est négligeable. Il n’existe par exemple pas d’équivalent aux agressions du Nouvel An 2016 en Allemagne, ou aux attentats islamistes. Le chômage demeure très bas, le besoin de main-d’œuvre étrangère est criant, en particulier pour prendre soin des personnes âgées. On peut donc légitimement se demander d’où vient que des outrances de ce type rencontrent un tel écho.

Obsessions antiféministes et homophobes

On trouve dans la même région, en Corée du Sud, des mouvements d’un ordre légèrement différent qui rappellent eux aussi de manière troublante ce qui se passe en Occident. Cette fois, comme aux Etats-Unis, il ne s’agit pas tant d’une nouvelle force qui apparaît que du grand parti de droite qui passe par une mue complotiste et sectaire, jusqu’à devenir presque méconnaissable. De même qu’aux Etats-Unis cette transformation se fait sous la pression de diverses Eglises évangéliques. Elles organisent inlassablement de grands rassemblements, chaque week-end, dans le centre de Séoul.

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