Trump et l’Ukraine : une inflexion limitée

Définir la stratégie du président Donald Trump à l’égard de la guerre russe en Ukraine est aussi hasardeux que d’anticiper les méandres de sa politique en matière de droits de douane. Le chaos de l’incertitude dans lequel le président des Etats-Unis plonge ses partenaires depuis son retour à la Maison Blanche, il y a six mois, incite donc à la prudence sur sa dernière volte-face vis-à-vis de Kiev.

Revenant sur une décision du Pentagone, deux semaines plus tôt, d’interrompre les livraisons d’armes à l’Ukraine, M. Trump a annoncé, lundi 14 juillet, en présence du secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, l’envoi d’équipement militaire à Kiev pour une valeur de . Il s’agit notamment des puissants systèmes de défense anti-aérienne Patriot dont l’Ukraine a cruellement besoin pour arrêter les bombardements meurtriers par drones et missiles que Moscou envoie par centaines sur ses villes.

Ces livraisons vont se faire au moyen d’un procédé nouveau, non plus par des dons, comme le faisait l’administration Biden, mais par une vente aux membres européens de l’OTAN, qui les fourniront à l’Ukraine. Ce procédé permet à Donald Trump de faire valoir à ses électeurs, d’une part, que cette opération ne leur coûte rien, au contraire – c’est même , s’est-il vanté –, et d’autre part, qu’il a réussi à faire porter le fardeau de l’assistance à l’Ukraine par les Européens. Il n’aura pas non plus à demander au Congrès d’approuver de nouvelles dépenses pour Kiev.

C’est la première fois que l’administration Trump, dans ce second mandat, accepte de fournir des armes à l’Ukraine ; le président Volodymyr Zelensky devait se contenter jusqu’ici du reliquat des livraisons décidées par l’équipe Biden, sans visibilité pour la suite. C’est donc une inflexion importante. Elle est précieuse pour Kiev et pour ses alliés européens, qui ne sont pas encore prêts à prendre le relais des Etats-Unis sur certaines catégories d’équipement militaire.

Pour autant, il ne s’agit pas d’un revirement total. M. Trump a parallèlement fixé au président Vladimir Poutine un ultimatum de cinquante jours pour organiser un cessez-le-feu, faute de quoi il tomberait sous le coup de sanctions commerciales. Le président américain ne cache plus sa frustration à l’égard de la mauvaise volonté du maître du Kremlin, qui fait obstinément échec à ses efforts en vue d’un arrêt des hostilités. , s’est agacé mardi Donald Trump.

Mais s’il n’a pas réussi à amadouer Vladimir Poutine en le flattant et en maltraitant le président ukrainien, rien ne dit que la menace de sanctions au contenu incertain impressionnera davantage le président russe. Celui-ci a sa propre logique dans ce conflit, celle de la conquête impériale, dont il ne s’est jamais départi. Et M. Trump a lui-même fixé les limites de son inflexion : il n’a toujours pas reconnu publiquement que la Russie était l’agresseur, et il a tenu à démentir une information du selon laquelle il aurait évoqué avec M. Zelensky la possibilité de frapper Moscou et Saint-Pétersbourg. Il continue d’exclure de fournir des missiles à longue portée à l’Ukraine. S’il y a donc bien un changement dans l’attitude de M. Trump sur l’Ukraine – et il est bienvenu –, il n’est malheureusement pas, à ce stade, de nature à changer la donne.

Le Monde

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