Dans , sa cinquième réalisation, Daniel Auteuil interprète un avocat commis d’office convaincu de l’innocence de son client accusé du meurtre de sa femme. Il explique s’être beaucoup documenté avant le tournage.
Qu’est-ce qui vous a incité à retourner derrière la caméra alors que vous ne vouliez plus mettre en scène ?
Ma fille Nelly, productrice du film avec Hugo Gélin, m’a fait découvrir le blog tenu par un avocat aujourd’hui disparu, Jean-Yves Moyart, sous le pseudo de Maître Mô, plus exactement son compte rendu de procès, « Au guet-apens », daté de 2011. J’ai pensé qu’aucun scénariste n’aurait pu inventer cette histoire, du fait de son caractère si troublant et si violent. Je ne suis pas particulièrement attiré par les faits divers mais il faut reconnaître que ces récits passionnent le monde parce qu’ils nous tendent un miroir et que leurs protagonistes occupent une place qu’on ne voudrait pas occuper.
J’ai aussi voulu filmer la manière dont un vieil avocat, qui s’est fait avoir par le passé en faisant acquitter un récidiviste, retrouvait une sorte de réserve d’illusion et l’envie d’exercer. Ce procès, c’est une affaire entre lui et lui. De ce point de vue, n’est pas à proprement parler un film sur un féminicide. Dans ma quête de rigueur sur le plan judiciaire et émotionnel, trois films m’ont inspiré : (1959), d’Otto Preminger, (1960), de Henri-Georges Clouzot, et (1982), de Sidney Lumet.
Malgré la violence de l’intrigue, votre film se distingue par sa sobriété et une forme de douceur. Pourquoi avoir pris cette direction ?
Dans les films de procès, on voit souvent des types qui font des effets de manches, alors on croit que la justice, c’est ça. Mais la justice, ce sont des années de procédure, quelque chose de très rébarbatif, qui broie les gens aussi. J’ai par ailleurs fait le choix d’un film provincial et d’une histoire ordinaire. J’aurais pu raconter l’histoire d’un pompier, d’un infirmier, d’un flic, tous ces métiers qu’on ne connaît pas de l’intérieur. En dépit de cela, c’était important à mes yeux que ce soit « un film de cinéma ». J’entends par là une photo travaillée, tournée en cinémascope, de façon à produire une sorte d’envoûtement, à ce que le cinéma nous conduise à l’intérieur de nos âmes.
Avez-vous assisté à des procès avant le tournage ?
Le film n’aurait pas été ce qu’il est si je n’avais pas eu la possibilité d’assister à un procès à huis clos qui a déclenché chez moi un sentiment très fort. C’était un procès en appel pour un type qui avait violé sa belle-fille de ses 10 ans à ses 13 ans, c’était glaçant, terrifiant. Une fois qu’on est dans la salle d’audience, on ne peut bizarrement plus en sortir… On oscille. C’était un procès sans preuve, avec seulement cette douleur qui venait de si loin et qui s’exprimait par quelques mots. J’ai été bouleversé. Cela dit, mon imaginaire de metteur en scène ne pouvait me faire défendre qu’un innocent. C’était ma limite.