Biennale de Venise, 2019. Des baigneurs en maillot, allongés sur une plage artificielle, chantent le désastre climatique en s’enduisant de crème solaire. Les corps sont fatigués, les gestes lents, en miroir d’une planète épuisée. La mélopée est entêtante, le charme de ce pavillon lituanien tenace. Le jury de la Biennale lui décerne le Lion d’or. Depuis, l’opéra écologique baptisé poursuit sa longue tournée mondiale, tandis que l’une de ses trois créatrices, Lina Lapelytè, connaît une brillante carrière en solo.
En cette rentrée, l’artiste à la coupe asymétrique est partout. A Marseille, elle expose dans les « Dryades de Cosquer », organisée par la galerie La Traverse. A la Biennale de Lyon, mi-septembre, la compositrice dirige dans un jardin d’orties un chœur d’une vingtaine d’anonymes recrutés parce qu’ils chantent faux. Au même moment, Lina Lapelytè dévoile , une drôle de partition interprétée par une centaine d’enfants imitant des cris d’animaux sous la coupole de la Bourse de commerce, à Paris, dans le cadre du Festival d’automne. En octobre, enfin, toujours à Paris, l’artiste rejoue au Théâtre du Rond-Point , un opéra mettant en scène des caissières de supermarché, composé en 2013 avec ses complices de , Vaiva Grainytè et Rugile Barzdziukaitè.
« Revenir aux sources de l’opéra »
Les choristes, dont la voix déraille dans les aigus comme les gosses qui singent les animaux, sont à mille lieues de ce qui peut ressembler à de l’art contemporain. Mais Lina Lapelytè sait embarquer les non-initiés dans son sillage. Ses premiers projets, d’ailleurs, se passaient de tout langage, , murmure-t-elle. , ajoute-t-elle avec douceur, rappelant que .
Au moment où Lina Lapelytè faisait ses premiers pas, vers 2010, toute une génération d’artistes lituaniens avait pour ambition de créer un art total, à mi-chemin entre la performance, le tableau vivant et le théâtre musical. , raconte la volubile Anna Ablamonova, fondatrice d’Operomanija, qui a produit .
Engager une révolution artistique, fût-elle feutrée, exige des moyens. Or, la scène lituanienne est sous-dotée. Agniete Lisickinaite, cofondatrice de la compagnie de danse Be Company, résume la situation sans détour : Le constat vaut pour d’autres disciplines. , nuance Anna Ablamonova. Et, se réjouit-elle, le public suit dans les musées comme dans les salles de théâtre, où les opéras sont indifféremment joués.